Séparer l’homme de l’artiste : pourquoi je n’écoute plus Guerilla Poubelle

Séparer l’homme de l’artiste, un grand débat qui bat à nouveau son plein avec le récent documentaire sur le tueur de femmes, Bertrand Cantat ou encore le procès de Gérard Depardieu. Mais au quotidien, allez-vous chercher vous-même des infos sur vos groupes préférés ? Comment les artistes que vous écoutez ( et soutenez financièrement ) se positionnent-ils sur des sujets qui vous tiennent à cœur ? Appliquez-vous la même intransigeance dans vos sélections musicales que celle avec laquelle vous choisissez vos ami·es et partenaires de vie ? Cet article n’est pas une thèse sur le sujet, qui peut soulever de nombreux débats. Juste un petit billet qui part d’un simple constat : je n’écoute plus Guerilla Poubelle.

Temps de lecture : 6 min

Guérilla Poubelle : paroles féministes 1, consentement 0

Le comportement de Till, le chanteur de Guerilla Poubelle, a été la cause de plusieurs accusations pour violences sexuelles et psychologiques (dont un rapport anal non consentit : monsieur est parti du principe que sa partenaire en avait envie. Sympa comme surprise). Outch, coup dur pour une grande amatrice comme moi qui a même été à l’un de leur concert. La première accusation remonte à quelques années déjà, et m’avait bien refroidie. Puis d’autres accusations sont sorties, et en me renseignant j’ai eu de plus en plus de mal à apprécier leur musique.

J’ai d’abord retiré le groupe de mes favoris. Mais l’algorithme de Deezer continuait à me les proposer à l’écoute. Lassée de toujours passer à la piste suivante, j’ai fini par aller sur leur page artiste et demander à ne plus les avoir dans mes recommandations. Pourquoi ne pas normaliser le boycott d’artistes comme nous pouvons le faire pour des marques ?

Ces trois zouaves trônaient parmi mes groupes favoris depuis mes 15 ans. Leurs paroles révoltées contre la société, qui se veulent plutôt féministes, me parlaient totalement. Je pouvais passer des heures à écouter leurs riffs de guitare, la basse tranchante et la batterie vibrante en chantant à tue-tête. J’ai fini par perdre tout plaisir à les entendre. Je n’arrive pas à séparer l’homme de l’artiste, surtout quand je sais que mes écoutes vont lui rapporter de l’argent ( même si c’est 15 centimes ).

Delete les groupes problématiques

Séparer l’homme de l’artiste : ouin ouin party

Lorsqu’un artiste est dénoncé, le même schéma se répète ( malheureusement ) souvent : la répercussion potentielle sur sa carrière est mise en avant. Ne rien dire pour ne pas empêcher l’homme de briller sur scène. Mais combien ayant été la cible de plainte ont eu une carrière détruite ? Combien n’ont plus été programmés dans les festivals et les salles de concert ? Très peu.

À quelle heure nos actes n’ont pas de conséquence ? Encore une fois, c’est le genre de situation « deux poids, deux mesures ». Un jeune se fait suspendre le permis à cause d’un joint fumé trois jours avant de prendre le volant. Il se retrouve en situation précaire pendant 6 mois : il ne peut plus aller travailler, se retrouve au chômage ou au RSA, ne peut plus payer son logement, etc. On lui dit que c’est bien fait pour lui, qu’il doit assumer ses actes. Là, on ne sépare pas l’homme du fêtard. OK. Alors pourquoi faudrait-il séparer l’homme de l’artiste et continuer d’aller applaudir un homme violent, voir violeur, pour ne pas impacter sa carrière ? Oui, j’ai l’art des comparaisons.

J’ai dénoncé à maintes reprises le manque et parfois même l’absence de représentation des femmes au sein de notre communauté punk DIY. Pour que la parole des femmes puisse continuer à être portée haut et fort, entendue et écoutée, elle ne doit jamais être instrumentalisée, décrédibilisée ou salie.

Un extrait du communiqué de Till. Vous pouvez lire cette belle tirade juste après une bonne quinzaine de lignes qui décrédibilisent les paroles des trois femmes qui dénoncent ses comportements abusifs. Même en mettant de côté ce qu’il s’est vraiment passé, rien que ça, c’est fatiguant.

ouin ouin qui se plaint après avoir comis des VSS

Programmation : festivals et salles de concert complices

Une nouvelle question se pose. La saison des festivals arrive, et pour la première fois depuis une petite dizaine d’années je ne serais pas en saison et j’aurai donc la liberté de me rendre dans certains de ces évènements musicaux. Le hic : quand je vois une affiche avec certains de mes groupes punk et métal favoris je saute de joie et je check les dates et la localisation géographique. Jusqu’à réaliser que Guerilla Poubelle fait partie de la programmation. Bon, bah… Bof envie de cautionner ça.

Je n’arrive pas à accepter l’idée d’être à l’aise avec le fait d’aller applaudir et chanter à l’unisson avec une personne dont je connais les capacités à ne pas respecter d’autres êtres vivants. Que ce soit pour des cas de violences sexuelles, des discours pro-Israël ( comme le chanteur de Disturbed, que j’ai aussi viré de mes favoris ) ou autres actions avec lesquelles je ne suis pas du tout en phase.

ne pas soutenir des artistes violents et racistes

Groupes blacklistés : on ne peut plus rien écouter

Oui, alors bon, du coup. J’enlève de mes listes d’écoute les groupes et artistes qui font des trucs inhumains et qui soutiennent des causes qui me donnent la gerbe. C’est quand même pas mal. Mais du coup, j’écoute quoi ?

Et bien en voilà une bonne question ! Pas la peine de paniquer et de sombrer dans une crise d’angoisse sans précédent. Ne serait-ce pas l’occasion parfaite pour dépoussiérer nos habitudes musicales et se lancer dans une nouvelle passion, pas passagère : découvrir des pépites inconnues au bataillon ? Voici quelques groupes que j’adore et qui sont ( plus ou moins ) dans le même esprit musical que Guerilla Poubelle :

metal and punk respect woman and all  being
Bonne écoute.

Le Bal des Vauriens : action réaction

Avant de terminer cet article, je souhaite remercier toutes celles et ceux qui dénoncent et les orgas et salles de concert qui ne ferment pas les yeux face aux personnes problématiques. Voici un exemple qui prouve que, malgré la complexité de remplacer un groupe, même dans l’urgence, cela est totalement faisable : Le Bal des Vauriens, festival punk oï parisien, organisé pour la cinquième fois cette année par les associations BSC & Los Locos, a fait preuve d’une gestion exemplaire de leur programmation. Le chanteur de Soft Kill, un des groupes programmé en fin 2024, a été dénoncé pour violences conjugales en mars 2025.

L’organisation a réagi très rapidement et a déprogrammé les artistes, qui ont été remplacés par Béton Armé, un groupe québécois qui avait participé à l’une des éditions précédentes. Merci à vous, on veut plus d’humains comme vous ! Que la honte change de camp, comme on dit.

« Puisque le chanteur de Soft Kill est une merde, nous ne le laisserons certainement pas jouer dans notre festival. Heureusement, nos bons amis de Montréal sont toujours là pour sauver la journée. Que Dieu bénisse BETON ARME »

Association BSC

annonce de déprogrammation du groupe softkill pour violence conjugale
Annonce de l’association organisatrice du Festival « Bal des Vauriens » pour la déprogrammation du groupe Soft Kill suite à la dénonciation du chanteur pour violences conjugales.

Alors oui, arrêter d’acheter des CD, des vinyles, ou de suivre des artistes sur les plateformes d’écoute en streaming, ça ne change pas grand-chose à leur vie. Ce n’est pas nos 40 écoutes dans le mois qui leur ramène de quoi tenir leur train de vie. Et oui, c’est compliqué de passer sont temps à checker ce que pense chacun·e, la vie est trop courte pour ça, peut-être oui. Mais quand on nous met l’info sous le nez, ayons au moins l’honnêteté de ne pas faire l’autruche.

Le Crew du Dramalibre fait attention aux artistes qu’il propose dans ses playlists. Si vous avez des infos qui nous auraient échappé, n’hésitez pas à nous contacter pour nous partager ça, qu’on rende nos compilations safes.

Baladeur Dramalibre, les sources

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O'noun

O'noun

Pendant que vous lisez ses articles, elle fait un gâteau en écoutant du métal (ou Mano Solo), admire la nature qui l’entoure, ou sieste avec son chat devant un documentaire.
Voilà. Vous en savez déjà trop.

6 commentaires

  1. Je valide à 100% ce que tu as écrit !! Excellent article d’ailleurs, je me prosterne à vos pieds très chère O’noun !!

    Et oui, ça fait mal, surtout quand on est fan mais c’est nécessaire ! Par contre j’ai pas trouvé de solution contre mes vers d’oreille (Noir Désir sors de ma tête avec ton sac à merde de chanteur)… 😅

    • Oooh ! Merci <3 et bon courage pour tes vers d'oreilles : n'hésite pas à aller écouter un des groupe cité dans l'article pour avoir quelque chose de plus sympa en tête 😉

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