Partager des photos de son enfant sur les réseaux sociaux : comment éviter les dangers du sharenting ?

Avez-vous déjà entendu parler du sharenting ? Contraction de l’anglais share (partager) et parenting (parentalité), ce mot désigne le comportement des parents qui publient des photos et vidéos de leur progéniture en ligne. Sans précautions (et même avec…), une image diffusée sur le net devient quasiment impossible à contrôler. Exposer son enfant sur les réseaux peut représenter une réelle menace, et parfois laisser de graves séquelles. Zoom sur les dangers associés à cette pratique et les astuces pour respecter le droit à l’image de votre enfant.

Temps de lecture : 8 min

Les risques pour la sécurité et la vie privée de l’enfant exposé sur les réseaux sociaux

Une enquête de l’OPEN (Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique), réalisée en 2023, a révélé que 53 % des parents publiaient régulièrement du contenu impliquant leur progéniture. Sur ceux-ci, 43 % auraient commencé à poster dès les premières minutes de vie de leur bébé. Un simple clic droit permet à quiconque aura remarqué vos photos de les enregistrer sur son ordinateur. Avant de mettre en ligne une image, il y a quelques questions à se poser :

  • Qui pourra voir ce contenu ? Pourra-t-il être partagé par d’autres personnes sans ma permission ? Mes contacts sont-ils tous des amis ?
  • La scène toute mignonne immortalisée ce jour occasionnera-t-elle de l’embarras ou de la honte pour mon enfant lorsqu’il sera plus âgé ?
  • Ai-je le consentement explicite de mon fils/ma fille pour cette publication ? Si l’accord ne peut être exprimé, est-ce que j’apprécierais que l’on poste le même cliché me concernant ?

Les plus jeunes n’ont pas encore la maturité nécessaire pour mesurer les répercussions d’une exposition de leur intimité sur les réseaux sociaux. Il semble alors important qu’ils puissent vous faire confiance pour la gestion de leur image, tant que vous en êtes responsable. Cela vous paraît peut-être un peu exagéré mais, sur la toile, vous pouvez très rapidement perdre le contrôle des informations que vous partagez.

Encourageons la prudence et la réflexion avant de partager des moments prives en ligne
Diffuser des photos sur le web comporte des risques. Source : image générée par Ideogram

Les données cachées de vos images

Lorsque la géolocalisation satellite de votre smartphone est activée, les photos que vous publiez sur la toile contiennent des données EXIF. Le lieu, la date et l’heure de la prise de vue sont, entre autres, des renseignements accessibles sur ces métadonnées. Tombées entre les mains de personnes mal intentionnées, ces informations permettraient de vous localiser très facilement. Les coordonnées géographiques de vos images pourraient alors révéler par exemple :

  • l’adresse de votre domicile ;
  • le parc que vous fréquentez avec votre fille et l’heure à laquelle vous y allez ;
  • l’endroit où vous faites vos courses ;
  • la position de l’école de votre fils ;
  • etc.

➡️ Pour éviter cela, vous pouvez tout simplement désactiver les données GPS sur l’appareil photo de votre téléphone. Des applications proposent aussi de supprimer les informations associées à vos images déjà en ligne. Il existe également des plateformes qui offrent le partage de contenu sans conserver les données EXIF ⇢ n’hésitez pas à consulter la politique de confidentialité des sites web que vous visitez pour le savoir.

La diffusion des photos sur des réseaux pédocriminels

En 2015, un enquêteur à la sécurité électronique australienne avait découvert un site sur lequel s’échangeaient environ 45 millions de photos pédopornographiques. Sur celles-ci, 50 % avaient initialement été publiées par les parents sur les réseaux sociaux. Cette information date un peu mais elle met en évidence un constat alarmant : une fois qu’elles sont diffusées sur le net, difficile de savoir réellement où circulent vos images ainsi que les usages qui en sont faits. Les cyber pédateurs qui ciblent les plus jeunes n’ont pas besoin de faire partie de vos contacts pour accéder à votre contenu. Il est donc préférable de garder les photos dénudées (sur le pot, à la plage, au bain etc.), pour la sphère privée. Sachez toutefois que les vicieux personnages du web ne manquent pas d’imagination pour accompagner de légendes obscènes n’importe quelle photo, la plus innocente soit-elle à vos yeux.

➡️ Sur son site internet, la CNIL déconseille fortement d’exposer son enfant sur les réseaux sociaux. C’est une recommandation difficile à appliquer dans notre société. Bien configurer vos réseaux sociaux vous permettra déjà de limiter la portée de vos publications.

Pensez-vous qu’il existe une injure inclusive adaptée pour décrire les pédocriminels ? Je vous laisse me faire part de vos meilleurs choix dans les commentaires !

L’IA utilisée pour détourner les images des enfants

En 2023, l’Internet Watch Fondation a enquêté sur un fait alarmant. Sur le web clandestin, des images d’abus sexuels, de viols et de tortures sur des mineurs s’échangeaient sur des forums. Celles-ci étaient toutes générées par des intelligences artificielles détournées et entraînées à partir de vraies photos et vidéos d’enfants. Ces contenus ont également été détournés pour produire des deepfakes. Cette technique permet à une IA de superposer le visage, le corps ou la voix de n’importe qui sur n’importe quelle réalisation audiovisuelle. Je vous laisse imaginer le genre de dérives que cela peut amener. Les premières victimes sont des enfants de stars ou des jeunes célébrités. Sachez tout de même que n’importe quelle photo diffusée sur le web peut être utilisée pour mettre en scène des moments qui n’ont jamais existé.

➡️ Ces usages inquiétants sont pris très au sérieux par le Conseil de l’Union Européenne et le Parlement Européen. En février 2024, ils ont conclu un accord historique pour légiférer sur les systèmes d’intelligence artificielle afin que leur utilisation soit sûre et respecte les droits fondamentaux de l’UE.

Les conséquences sur la santé mentale des plus jeunes

La course aux likes pour les parents : le fléau des enfants

Exposer son enfant sur les réseaux peut avoir un impact désastreux sur sa santé mentale. En 2023, le documentaire Enfants sous influence, surexposés au nom du like, diffuse le témoignage de Cam, une américaine de 24ans. Elle raconte comment et pourquoi elle a fait condamner sa mère, accro aux likes, pour avoir exhibé sa vie sur Facebook . Elle alerte les parents sur les dangers de la surexposition en ligne des mineurs sans leur consentement. Toute son intimité a été dévoilée, ses premières règles, des informations médicales, des moments embarrassants… Elle souffre désormais de graves troubles anxieux.

Ses parents s’étaient trompés. Ils croyaient que Big Brother s’incarnerait en une puissance extérieure, totalitaire, autoritaire, contre laquelle il faudrait s’insurger. Mais Big Brother n’avait pas eu besoin de s’imposer. Big Brother avait été accueilli à bras ouverts et le coeur affamé de likes, et chacun avait accepté d’être son propre bourreau. Les frontières de l’intime s’étaient déplacées. Les réseaux censuraient les images de seins ou de fesses. Mais en échange d’un clic, d’un coeur, d’un pouce levé, on montrait ses enfants, sa famille, on racontait sa vie. Chacun était devenu l’administrateur de sa propre exhibition, et celle-ci était devenue un élément indispensable à la réalisation de soi.

Extrait de « Les enfants sont rois », Delphine de Vigan

La course aux likes fait parfois perdre des points de lucidité à certains parents. Ayons une tendre pensée pour ces enfants qui découvriront, dans quelques années, les mises en scène dégradantes dont ils ont été victimes lors de challenges TikTok. Jeter une tranche de fromage sur le front de son enfant ou lui casser un oeuf sur la tête génère des likes et c’est tout ce qui compte. Derrière leur smartphone et en mal de notoriété, d’autres géniteurs publient des canulars humiliants ou effrayants. L’impact psychologique sur ces tout-petits est évidemment catastrophique.

➡️ Le respect de la dignité et de la vie privée des enfants sur les réseaux est désormais une notion intégrée à l’autorité parentale. Une loi votée le 19 février 2024, à l’unanimité, défend maintenant le droit à l’image des plus jeunes. Elle répond à de nombreux dérapages dénoncés par des associations.

Les enfants n'ont pas toujours envie d'etre exposes sur les reseaux sociaux
Veillez toujours à obtenir le consentement éclairé de votre enfant pour la diffusion de son image. Source : image générée par Ideogram

Préserver l’identité numérique des mineurs

Les photos que vous publiez vous semblent anodines ? Seulement il ne s’agit pas de votre image. Vous seriez sans doute agacé que vos proches diffusent des clichés embarrassants de votre jeunesse sans vous demander la permission. Nous sommes tous fiers de nos tout-petits. Nous avons donc envie d’immortaliser chaque instant du quotidien et de le partager avec notre communauté. Cependant, lorsqu’il s’agit d’un mineur, il est important de réfléchir aux conséquences que cela implique. Quand vous publiez du contenu concernant votre enfant, vous le privez de son droit à établir l’identité qu’il souhaite sur le web. Certaines images pourraient nuire à son image, entâcher sa réputation et pour certains cas générer du cyberharcèlement.

➡️ Pour préserver l’identité de votre progéniture, vous pouvez flouter son visage ou le recouvrir avec un émoji. Et si vraiment vous avez envie de partager les plus belles photos de votre bébé avec vos proches, vous pouvez opter pour des plateformes de partage privées.

L’exposition des enfants sur les réseaux sociaux peut sembler inoffensive, mais elle comporte des risques réels. L’avènement d’internet et des médias sociaux a bouleversé les frontières entre ce qui reste privé et ce qui devient public. Les prédateurs et les malveillances ne sont pas l’apanage du web mais il existe des précautions simples à respecter pour les éviter. Gardez en tête qu’une photo ne disparaît jamais réellement du web. De plus, pour éduquer les tout-petits sur les risques en ligne et les bonnes pratique à adopter, il faut montrer le bon exemple. On demande sans cesse à nos enfants d’utiliser leur smartphone avec modération. Veillons à ne pas les rendre accros aux likes dès le plus jeune âge.

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Malicieuse, AnneSo aime cacher des mots rares et des CamelCase dans ses articles, saurez-vous les retrouver ?

6 commentaires

  1. Merci pour cet article AnneSo ! On ne pense pas à mal et pourtant c’est vraiment bien d’avoir tout cela en tête quand on est parent dans le monde numérique (qui nous échappe parfois beaucoup trop…). Je partage ! 🔥 Et mille bravos d’avoir ouvert le bal ❤️

    • Merci pour ton commentaire 🙂 Effectivement on ne pense pas à mal mais on ne maîtrise pas toujours ce qui se passe sur internet. Restons vigilants 👀

  2. Un premier article le 21 avril : quelle fête !
    J’ai récemment écouté un podcast de Xavier de La Porte sur France Inter qui parle des trackers. Une information en particulier m’a fait halluciner : même sans publier d’information ni de photo de ton enfant, les applications que tu utilises peuvent fournir assez de données à Facebook, par exemple, pour que ton marmot ait un profil fantôme auquel il sera relié quand il se créera un compte plus grand 😱.
    Pour les intéressés :
    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-code-a-change/ils-cherchent-les-trucs-bizarres-qu-il-y-a-dans-vos-telephones-rencontre-avec-des-traqueurs-de-trackers-4352957.

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