Qu’est-ce que la low-tech : l’infini(ment) durable dans un monde fini

En 1972 paraissait le célèbre « Rapport Meadows » nommé en français : « Les limites à la croissance ». Il posait une des questions les plus importantes de notre époque : peut-on envisager sérieusement une croissance infinie dans un monde fini ? Si votre réponse à vous aussi est « non », vous devriez vous pencher sur les nombreux avantages de la low-tech. Plus technocritique que technophobe, cette approche écologique propose de réfléchir aux limites de la technologie, en mettant en avant des innovations simples, durables, réparables et efficaces énergétiquement. Donc si vous vous demandiez « qu’est-ce que la low-tech ? » et que vous aviez envie de comprendre ce courant dans les grandes lignes, j’ai une bonne nouvelle pour vous : vous êtes au bon endroit.

Temps de lecture : 6 min

Avant-propos : constat détendu (non) de l’état du monde

Aujourd’hui, nous sommes les témoins horrifié-es d’un effondrement de la biodiversité opérant à une vitesse jamais connue auparavant. Et cela sans compter l’appauvrissement des sols, le réchauffement climatique, l’acidification des océans… Les enjeux sont énormes : il est devenu commun de ressentir une telle impuissance face à l’inaction globale qu’on parle partout d’éco-anxiété. En 2021, 75,5 % des personnes de 16 à 25 ans interrogées dans 10 pays différents ont déclaré « trouver le futur effrayant ». Et je n’ai même pas abordé les enjeux sociétaux et humains. Notre avenir paraît sombre.

Une personne panique en pensant à l'état du monde
Qui panique ici ?

La recherche de l’innovation à tout prix poursuivie par le monde de la high-tech est intenable. Car quels que soient les nouveaux fantasmes technologiques de notre cher Elon Musk (que son nom soit oublié et que sa volonté -d’être envoyé sur Mars- soit faite, Amen) il n’existe pas de planète B. Bon. OK. Respirez un grand coup. Ne vous énervez pas enfin. Je m’énerve ? Non c’est toi qui t’énerve, allez c’est toi qui raccroche. Bon, on raccroche à trois.

Un, deux, tro… TARD. TROP TARD. TOUT EST FOUTU ON A TOUT FICHU EN L’AIR AVEC NOTRE ÉGOÏSME ET NOTRE ÉGOCENTRISME ! EST-CE QUE TU AS LU LE DERNIER RAPPORT DU GIEC ? « Il est incontestable que les activités humaines sont à l’origine du changement climatique, qui rend les phénomènes climatiques extrêmes, notamment les vagues de chaleur, les fortes précipitations et les sécheresses, plus fréquents et plus graves. » OUI JE PANIQUE !

OK, OK, inspire, expire, inspire, expire. Je suis un lac. C’est ça, un lac. Donc, que disais-je avant que vous ne m’interrompiez avec vos petits cris aigus (calmez-vous enfin) ? Ah oui. face à cela, que pouvons-nous faire ? Le déni ? La colère ? La tristesse ? Renoncer à toute forme de technologie et vivre dans une grotte dans le Larzac ? Et si l’une des réponses possibles se trouvait dans la résilience collective et dans l’évolution ?

Qu’est-ce que la low-tech (enfin) ?

C’est le propre de tous les courants de pensée : tout le monde ne s’accorde pas entièrement sur la définition. Mais si on devait résumer la low-tech comme le fait simplement l’association Low-Tech Lab, la technologie se doit d’être utile, accessible et durable.

Nous employons le terme low-tech pour qualifier des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée, qui intègrent la technologie selon trois grands principes : utile[…], accessible,[…] durable[…].

Association Low-tech Lab

Un exemple pratique de la low-tech : le cas de la cafetière

Une femme demande de l'aide en buvant son café issu d'une cafetière high-tech
« Ma Senseo use ma vie et mon intellect. »

Il s’agit donc de considérer nos usages sous un autre jour : avez-vous besoin d’une cafetière (vous ne m’entendez pas, je vous crie OUI, évidemment, mon addiction à la caféine n’a pas de limite) ? Très bien, donc il vous en faut une, c’est utile à votre quotidien.

D’une part, pouvez-vous comprendre son fonctionnement facilement, à la manière d’un Chindogu ? Personnellement, la cafetière de ma grand-mère qui moud les grains et prépare 15 types de café différents me rappelle sans cesse que je n’ai malheureusement pas de diplôme d’ingé.

« Écoute, on va se parler sérieusement, toi et moi. Un bip pour oui, deux bips pour non. Est-ce que ton objectif est que je pète un câble avant ma première dose de caféine ? Ah oui, c’est bien ce que je pensais. »

D’autre part, savez-vous la réparer vous-même si elle tombe en panne ? Est-elle robuste ? Éco-conçue ? Consommant peu d’énergie ? Là, si vous possédez une Nespresso vous devez déjà ressentir une légère panique. Les personnes de bon goût possédant une cafetière italienne le seront déjà un peu moins (toute ressemblance avec une certaine cafetière possédée par l’auteure ne serait que purement fortuite).

La démarche low-tech à portée de tous et toutes

En gros, plus vous possédez, concevez et fabriquez vous-même des outils et objets utiles à votre quotidien, dans des matériaux écologiques, proches de vos véritables besoins, plus vous êtes dans une démarche low-tech. Si l’objet ou la pratique consomme peu d’énergie non renouvelable vous commencez à y être vraiment furieusement. Et si, en plus, tout est facile à réparer, à conserver et open-source (comprenez par là que tout le monde peut avoir accès aux plans) vous participerez à une forme de résilience collective en permettant à tous et toutes de n’exploiter que ce dont nous avons réellement besoin. Il ne s’agit pas de ne plus consommer, mais de consommer mieux et de le faire collectivement.

«Concrètement, une démarche low-tech implique un questionnement du besoin. Il s’agit à la fois de réduire la complexité technologique, d’entretenir l’existant plutôt que de le remplacer, de donner accès au plus grand nombre aux solutions et de maîtriser les usages»

Anne-Charlotte Bonjean, ingénieure réparabilité à la direction économie circulaire de l’ADEME.
Infographie sur la low-tech par Arthur Keller et Émilien Bournigal
« Low-tech : Assurer durablement l’essentiel pour tous » (2022). Cette infographie développe encore un peu plus les critères d’une démarche low-tech.
Crédits : Arthur Keller et Émilien Bournigal. Cliquez ici pour la voir en grand.

Alors évidemment, encore une fois, je ne vous propose pas de vivre « tout low-tech » (sauf si c’est votre truc bien sûr). Il est plus intéressant de commencer par réfléchir à vos usages. Ai-je besoin de posséder une machine à chantilly quand je n’en consomme qu’une seule fois par an (simplification)? Ne pourrais-je pas mutualiser l’achat et la possession d’outils de jardinage avec les personnes de mon quartier (reliance) ? Est-ce vraiment nécessaire de remplacer ce grille-pain fonctionnel pour en avoir un qui fait de petites étoiles sur les tartines (sobriété) ? Ne puis-je pas chercher pour mon prochain smartphone une meilleure réparabilité et une plus grande durabilité des mises à jour pour le conserver le plus longtemps possible (éfficiance) ?

Et si la question vous intéresse, pourquoi ne pas envisager de fabriquer vos propres outils low-tech ? Saviez-vous qu’il est super simple de fabriquer et d’entretenir ses propres toilettes sèches ? Ou encore de fabriquer son four solaire avec quelques réflecteurs en papier aluminium ? Cela peut même être une chouette activité à faire entre ami-es, avec vos enfants ou même votre voisinage ! Allez jeter un œil à cette page du low-tech lab, vous trouverez quelques plans open-source pour commencer.

En résumé : en réfléchissant à vos usages et à votre consommation, vous pourrez, petit à petit, adopter un mode de vie plus respectueux de vos convictions et réintégrer de la simplicité dans votre vie. Cerise sur le gâteau, vous pourrez développer votre côté manuel, votre créativité, vous allez faire de très belles économies et peut-être même tisser de nouveaux liens avec votre voisinage. Tout bénef !

La low-tech ne se limite pas à des solutions techniques anciennes ou improvisées : elle englobe des dimensions organisationnelles, systémiques, culturelles, et même politiques et philosophiques. Arthur Keller exprime cette idée en affirmant que l’approche low-tech est « une méthode, une vision, une philosophie, presque une culture », qui va bien au-delà de la simple technologie. Cette démarche holistique vise à respecter les limites planétaires, en consommant seulement l’énergie, les matériaux et les ressources que la Terre peut durablement offrir. Et vous, quel est votre rapport à la philosophie low-tech ?

Magneto Dramalibre avec câble prise jack indique les sources

Pour partager en un clic :

SalbeT

SalbeT

Elle est de type passionné : bande-dessinée, animaux, plantes, écologie, inclusivité, santé mentale, cosmologie, musique, féminisme, poterie… Mais son obsession, c'est de jouer aux jeux vidéo indés. Et d'en parler. Et d'écrire dessus. Et de bassiner son entourage avec la dernière pépite qu'elle a testée. En fait, ne la lancez pas sur la question.

4 commentaires

  1. Super article !! On ne pose pas suffisamment la question de : est-ce que j’ai vraiment besoin de tel objet…?
    La réponse est souvent non. On se laisse entraîner par des petits caprices de consommateur compulsif et on rentre avec un ouvre-bocal manuel, une multi-prise en rab, la machine a pop-corn alors qu’on regarde pas de film… je ne vous jette pas la pierre Pierre mais on peut quand même faire mieux non ? 😁

    • Non, d’ailleurs je ne te jette pas la pierre non plus Pierre ! ;-). Mais c’est exactement ça. Je me bats depuis des années contre (moi-même surtout) le « ça pourrait servir dans telle situation… » Stop ! Il faut revenir à la simplicité, c’est bon pour nous et pour tout le monde en fait. 🙂

  2. Super article pour définir la low-tech ! Ça donne envie de s’y replonger et d’enfin fabriquer un frigo du désert !

    • Oh, je n’en ai pas parlé de ce frigo du désert, mais c’est vrai que c’est top aussi comme technologie low-tech. C’est simple, durable et ça ne consomme aucune énergie. Que demande le peuple ? « Des frigos du désert, on vient de te le dire… ». Si ça te tente, on sera ravies de savoir si tu en es contente au quotidien (le moooonde veut savoir !).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *